Les grils sont nombreux et divers
La grillade au feu de bois est le mode de cuisson le plus ancien que les hommes aient connu.
Lecoq, page 147
Utilisés partout et de tous temps, il ne faut pas se surprendre de tant en retrouver dans les livres qui traitent de la question qui nous occupe. Chez Lecoq, le gril occupe une place importante. Il lui consacre treize pages. Il les a classés de la manière suivante :
- Gril à plateau fixe
Le gril au cygne que je présente en fin d’article est un gril à plateau fixe. - Gril à plateau fixe sans piètement
Il était assez rare et on le posait sur la braise ou sur le potager. Je n’en vois pas chez Lecoq. On en trouve chez Brears. - Gril à plateau tournant
Le nº 899 de l’Old Devon Farmhouse est à plateau tournant.
Il y en a un autre, le nº 312 du Kitchen Catalogue. Je ne veux cependant pas le retenir parce qu’il n’est pas forgé mais en fonte, sans doute une production industrielle du début du 19e siècle. On en trouve un semblable dans The American Hearth : - Gril à poser et à suspendre
Voir le grille-pommes plus bas qui permet de visualiser le mode de suspension des grils. - Grille-andouilles
- Grille-boudin
- Grilles fixe à récupérateur de jus
Lyndsay qui ne retient que deux grils en a choisi un à récupérateur de jus. On en trouve de ce type chez tous les auteurs. - Grille-poissons
Il y a celui de Lecoq, plus haut et celui-ci de Plummer. Il y en avait donc aussi dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre, forcément. - Grille-pain
Le grand choix de grille-pain embarrasse.
Il y a les plus simples, une grille fixe à laquelle on appuie le pain. Mieux, ceux qui sont articulés comme le grille-poisson de Plummer et qui lui ressemblent.
Il y a ceux dont le plateau tourne comme celui qui suit et qui est de la collection Hotermans. Lecoq décrit ceux-ci comme verticaux à plateau pivotant (ce qui implique qu’il y en a à plateau fixe …).Au moment du rôtissage, les volutes qui forment la grille s’impriment sur la tranche de pain. Cette possibilité de décoration s’est avérée une source de prouesses par des forgerons. Un des plus jolis que j’ai vu jusqu’à maintenant se trouvait dans la collection Sorber. Il est bien connu aux USofA et a souvent été photographié. On l’a appelé «The Lovers», «Les amants».
- Les grille-galettes
Lecoq en dessine un qui ressemble trait pour trait à celui-ci de la collection Hotermans à laquelle il a eu accès : - Grille-pommes
J’ai sauté plusieurs variantes de grille-galettes pour arriver au grille-pommes. Lecoq en a dessiné un. Il ne donne aucune indication sur la provenance régionale de cet ustensile ou sur la fréquence de son utilisation.
Il devait cependant être assez répandu : dans son livre Early American Antique Country Furnishings, George Neumann l’affirme, «it was popular to roast apples at the hearth».
Quand on compare le dessin de Lecoq au grille-pommes de Neumann, on se plaît à imaginer que le grille-pommes de la Nouvelle-Angleterre ait été amené là par des Français au cours des échanges entre eux et les colons anglais. Ce n’est qu’imagination bien sur … - Enfin, les grille-châtaignes et les poêles à marron. On obtenait ces dernières le plus souvent en perçant le fond de vieilles poêles à longues queues (Lecoq, page 159).
Le gril au cygne
Il y a de nombreux grils dans la collection Hotermans. J’en présenterai plusieurs. Ils sont tous beaux.
Raymond Lecoq nous dit :
L’imagination qui préside au choix de l’ornementation et au rythme du décor fait de certains grils de véritables petits chefs-d’œuvre.
Page, 147
Le jour où on met la main sur un tel objet, sur un «véritable petit chef-d’œuvre», on est, je fus, fortement impressionné.
C’est ainsi qu’il m’est apparu quand je l’ai décroché de son rangement au musée Stewart. Délicat et impressionnant, élégant et fonctionnel, simple et beau, le crochet de ce gril est tout cela à la fois. Et ce n’est qu’un crochet au bout d’une poignée pour pendre un gril. Mais tant de travail!
Un travail qui ne se compte pas en jours ou en heures mais en décennies : ce sont vingt, trente, voire cinquante ans d’expérience qui ont permis d’en arriver là. C’est le travail d’un maître au sommet de son art, un artisan qui crée de la beauté par habitude, parce que c’est sa manière de faire.
Le gril au cygne … cuisson ou décoration
L’été dernier, dans un marché de professionnels, à Pont-Croix, en Bretagne, j’ai trouvé le trépied que voici :
Ce qui est évident même au premier coup d’œil, c’est que le petit trépied a travaillé fort et longtemps sur un âtre ou deux.
Il continue de le faire sur mon poêle en gardant mon café au chaud. Si vous regardez bien la photo qui suit, vous verrez que le trépied penche un peu, qu’il est affaissé. Il a beaucoup chauffé pour ainsi se déformer. Et si je me fie à la forme de l’affaissement, il a supporté longtemps un récipient lourd et dont le fond était sans doute arrondi.
Si on regarde ses pattes de près, on peu voir qu’elles ont été usées, brûlées par les braises où on le poussait. Vraiment il a beaucoup chauffé.
On ne trouve aucune de ces cicatrices sur les pattes du gril au cygne. Rien n’indique qu’il ait servi. On peut supposer qu’il a tenu quelque chose au chaud à côté plutôt que dans le feu de l’âtre et pas très souvent.
Et puis, on imagine mal un bourgeois payant (cher) pour un tel travail mais qui le laisserait enfouir dans les braises des entrailles de sa cuisine. Plutôt, son état indique qu’on l’a montré, fait voir, affichant en même temps la richesse qui avait permis de se le procurer. Il a donc probablement servi aux côtés d’une paire de chenets ou de landiers d’appartement plutôt qu’en cuisine. Enfin, il a décoré plutôt que cuit.
Dimensions
Je donne dans la photo qui suit les dimensions suffisantes à copier ou reproduire cet objet. Noter que le diamètre de la barre centrale est plus grand que celui des barres latérales. C’est la poignée qui passe dans un trou carré et qui est forgée en rond pour aller être rivée dans la patte extérieure. Le trou carré permet d’éviter que la grille tourne autour de la poignée.
Et pour qui voudrait forger la tête du cygne, voici une autre photo :
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Note à propos de la datation du gril au cygne
Ce serait folie pour moi que d’essayer d’évaluer l’âge de ce gril. Tout au plus puis-je en dire avec certitude qu’étant donné la section ronde des broches ou verges du gril, il a été forgé au plus tôt à la fin du XVIIe siècle. «…les verges sont toujours à section carrée jusqu’au XVIIIe siècle» (Lecoq, page 147). Je n’ai trouvé aucune autre indication d’âge sur le gril.
Très bien expliqué et aussi très intéressant!
Merci monsieur. Il ne vous reste plus qu’à vous en procurer un pour commencer à utiliser votre foyer à la maison.
Comme chaque article un plaisir de vous lire.
J’apporte ma contribution au lecteur qui souhaiterait voir d’autres exemplaires et types de grils en présentant ma collection à l’adresse ci-dessous :
https://vieux-outils-art-populaire.blogspot.fr/search/label/Gril
Merci de votre intervention. D’ailleurs, je cherchais récemment votre blog pour le donner en référence. Votre collection est une référence importante sur un sujet aussi pointu que les ustensiles de cette époque. Il faut vous remercier de la rendre publique. On peut espérer qu’elle permet aux lecteurs, aux curieux de jeter un œil sur l’histoire de celles et ceux qui ne sont jamais nommés dans les livres de l’Histoire.