Berçoir Hotermans Nº 71.1.364.1
Hachoir… berçoir
J’ai écrit berçoir… C’est une décision prise au vu d’une confusion quand à l’appellation propre à ce type de couteau.
Sur une des planches couleur du début du livre de Lecoq (1) apparaissent trois couteaux tout à fait semblables au nôtre. Il sont appelés couperets. Ailleurs, une autre lame cintrée au motif zoomorphe est classée par lui dans les hachoirs (2).
Puis, chez le même auteur, le vocable berçoir est utilisé pour désigner « un hachoir à lame cintrée, doté de deux poignées, il se manœuvre avec les deux mains en imprimant un mouvement de bascule à la lame« (3). Ce vocable me semble le plus adéquat pour décrire notre couteau, notre mezzaluna disent les italiens.
La tête du renard sert de deuxième poignée. Ses dimensions le permettent et l’usure apparente en fait foi. Il faut en effet un long usage de ce berçoir où la tête du renard a suffisamment servi de poignée, qu’il ne reste que des traces d’un museau et d’une gueule. L’œil a mieux résisté et de lui, dans mes notes prises lors de l’analyse de cet ustensile, je lis: « Noter la délicatesse de l’œil ».
Le manche est monté sur soie plate (4). Les semelles sont en noyer. L’extrémité du manche est courbée en forme de crosse le stabilisant dans la main en frappant, ce qui était aussi possible.
Un des trois rivets de la poignée a disparu.
Notre renard est français. Dans mes références, je n’ai pas trouvé de hachoir ancien semblable chez les Anglais ni chez nos voisins du Sud. Cependant, il y a chez ceux-là des lames cintrées surmontées d’une poignée unique développée horizontalement dans l’axe de la lame qu’ils appellent généralement choppers. Ces derniers se retrouvent aussi en France. Chez Lecoq (5), on peut voir un dessin d’un berçoir ainsi constitué.
C’est au XVIIIe et XIXe siècles que des motifs animaux sont apparus au dessus des lames de hachoirs où la queue sert de manche.
Enfin, il m’a semblé que la fréquente utilisation du renard sur les hachoirs que j’ai vu, devait avoir une signification particulière, référer à un symbolisme quelconque. J’ai cherché quelque peu et n’ai rien trouvé. Vous qui me lisez sauriez-vous quelque chose à propos d’un lien symbolique entre le renard et la lune?
Dimensions
Le renard mesure 280 mm (11″) de son cou replié jusqu’au bout de la queue.
La lame mesure 257 mm (10-⅛ »).
Hauteur à la tête, 130 mm (5-⅛ »). Longueur de la tête, 59 mm (2-5/16″).
Notes
(1) Lecoq, Raymond, Les Objets de la vie domestique, Ustensiles en fer de la cuisine et du foyer des origines au XIX siècle, Paris: Berger-Levrault, 1979, page 51
(2) ibid, page 243
(3) ibid, page 245.
Le mot berçoir n’apparait ni dans le Petit Robert ni chez Arminjon et Blondel où je m’attendais à le trouver.
(Arminjon, Catherine; Blondel, Nicole; Objets civils domestiques, principes d’analyse scientifique; Imprimerie nationale, Paris, 1984)
On le trouve cependant dans Le langage populaire de Mâcon et des environs où il est définit ainsi: »Hachoir courbe à double poignée ».
(Conseil Général de Saône-et-Loire & Académie de Mâcon, Le langage populaire de Mâcon et des environs, 1926, Mâcon: Chez les Libraires).
Le terme berçoir est couramment utilisé dans le commerce contemporain où, des maisons comme Victorinox en offrent.
Pour Arminjon et Blondel, une lame courbe « … terminée par un petit manche perpendiculaire aux deux extrémités que l’on balance verticalement pour hacher les aliments en petits morceaux. » s’appelle un hachoir (page 72). Cependant, leur illustration nº 350, sur la même page, présente bien un hachoir à lame cintrée, mais à poignée unique développée dans l’axe de la lame comme sur les choppers des USofA. Alors? Hachoir ou berçoir? J’aime bien berçoir.
(4) Lecoq, les objets… page 238, « La soie est aplatie et épouse le profil du manche; c’est de chaque côté de cette soie plate que sont appliquées des plaques, dites semelles, qui sont maintenues en place par des rivets ou clous, trois en général. »
(5) ibid., page 244